Luc Cousineau 1944-2017

Perfectionniste et homme de cœur

L’auteur-compositeur-interprète Luc Cousineau, dont la pièce Vivre en amour (1976) est devenue un classique de la chanson québécoise, a succombé lundi à la sclérose latérale amyotrophique (SLA), dite « maladie de Lou Gehrig ». Il avait 72 ans.

Le musicien aura connu une carrière de 50 ans au cours de laquelle il a enregistré une vingtaine d’albums dont le plus récent, Salut la vie !, est sorti en décembre dernier.

En parallèle, Luc Cousineau a travaillé, comme compositeur, chef d’orchestre ou arrangeur, sur des dizaines de jingles publicitaires dont certains sont encore bien présents dans la mémoire collective (« Il est parti prendre son Bovril », « Mon bikini, ma brosse à dents », « Qu’est-ce qui fait donc chanter les p’tits Simard »).

« Il réfléchissait beaucoup dans son travail, dit sa fille cadette Karine Cousineau, bien connue dans le monde des arts pour son travail en relations de presse. C’était un perfectionniste, mais c’était aussi un homme de cœur. »

« Mon père a composé de très belles mélodies. Ses pièces, sa musique nous restaient en tête. »

— Karine Cousineau

Né à Montréal le 19 septembre 1944, Luc Cousineau était le troisième d’une famille de cinq enfants. Ses frères Jean (décédé) et François ont également fait carrière dans le monde musical.

C’est en 1966 que Luc Cousineau sort son premier album, Les Alexandrins, volume 1, avec sa première épouse, Lise Vachon. Entre 1966 et 1969, Les Alexandrins enregistrent quatre albums avant de prendre un nouveau nom, Luc & Lise, sous lequel ils en enregistrent trois autres en 1970 et 1971.

« Une période fantastique, se souvient Mme Vachon, jointe au téléphone à New York. J’ai donné naissance à notre fille Emmanuèle et deux semaines plus tard, on enregistrait notre premier disque. Ce fut tout de suite un feu roulant. On a eu un tube à la radio. On était à la télé tout le temps. Nous avons coanimé une émission, À la catalogne, avec Jean Coutu à Télé-Métropole. En plus, nous étions constamment en tournée. »

Les Alexandrins ont eu aussi l’occasion d’être les musiciens maison de l’émission Le sel de la semaine animée par Fernand Seguin à Radio-Canada. C’est là qu’ils ont rencontré Jack Kerouac, avec qui ils ont passé une soirée.

« Je me souviens quand on est entré dans le restaurant avec Kerouac, mais je ne me souviens pas quand on est parti. On a parlé du côté bohème de la vie des artistes, de notre grande recherche de liberté », a dit M. Cousineau dans une entrevue avec Dominic Tardif, de La Tribune, en avril 2015.

En solo

À partir de 1972, Luc Cousineau enregistre ses albums sous son nom. Les titres sont nombreux : Schlack !, Comme tout l’monde, Comme ça vient, Connivence, etc. Il fonde aussi sa maison de production : Disques Airedale. D’une seconde union, sa fille Karine voit le jour en 1974.

Vivre en amour naît aussi dans cette foulée, en 1976. En 1995, la SOCAN la consacre grand classique de la chanson québécoise avec ses 25 000 passages à la radio. En 2015, nouvel hommage de la SOCAN, qui l’inscrit au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens.

Dans les années 90, M. Cousineau se consacre davantage aux créations publicitaires, à des musiques thématiques pour des émissions ou des séries télévisées. Il revient sur le devant de la scène en 2001 avec son disque J’laisse aller.

En 2014, sentant le besoin de se renouveler, il entame un nouveau travail de création avec le guitariste Samuel Busque, de Noir Silence. Au terme d’une première collaboration sort l’album – et un nouveau nom d’artiste – Le gars, là.

« Je me souviens très bien de cette période, dit Samuel Busque, qui a ensuite travaillé de près avec M. Cousineau jusqu’à la fin. Au moment de la sortie de l’album, Luc a senti une douleur dans un de ses doigts. Il était sceptique à l’idée que c’était simplement musculaire. »

Une fois les résultats des tests connus, M. Cousineau a révélé être « Le gars, là » et a continué, malgré la maladie, à enchaîner les projets. « Je n’ai jamais vu un gars avec une telle rigueur, dit M. Busque. De l’épaisseur du papier pour la pochette jusqu’aux textes, au choix des instruments, aux mots à mettre sur sa page Facebook, on passait des heures à tout voir, tout corriger. »

Même dans la maladie, la rigueur et le désir de bien faire les choses ont prévalu. « Lorsqu’il a sorti la compilation de ses chansons (2015), il a mis un an à taper chaque mot d’un livret de 92 pages… avec ses pieds ! », lance un Samuel Busque admiratif.

On pensait que la carrière de M. Cousineau s’arrêterait avec la sortie de Tant qu’il y aura une chanson. Mais non. L’homme retrouve cinq chansons originales dans ses archives et, à la toute fin de 2016, propose à Samuel Busque de les enregistrer. Ce qui donne Salut la vie !.

Le mot de la fin revient au disparu qui, dans une entrevue accordée en avril 2015 à Franco Nuovo pour La Presse+, affirmait prendre la vie une heure à la fois.

« Dans ce qui m’arrive, il y a tellement de petites victoires, disait-il. C’est deuil après victoire après deuil après victoire. Si je ne fonctionnais pas à l’instant présent, je ne pourrais pas profiter des petits bonheurs, comme boire un café au lait, par exemple. C’est comme ça que je réussis à garder ma sérénité. »

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